Syndrome de l’imposteur
Quand j’ai commencé mon temps clinique, j’appréhendais mes premiers entretiens sans pouvoir débriefer avec ma tutrice après. J’étais en quelque sorte sans filet de sécurité. J’avais peur de mal faire les choses, de sortir des phrases clichées, évidentes et vide de sens qui n’aideraient pas le patient.
Alors, à chaque rendez-vous pris au CMP et juste avant les entretiens en intra hospitalier j’appréhendais, j’essayais de me remémorer mes cours d’entretien clinique alors qu’en réalité, oui les techniques sont importantes, mais je devais surtout rester moi-même comme je l’avais toujours fait.
Au final tout se passait bien, mais j’avais toujours l’impression de ne pas aider le patient. Petit à petit, les remerciements pour mon écoute sont arrivés, pour mes mots et autres retours. Je me sentais mieux et avait réellement l’impression de leur venir en aide et de bien faire mon travail. Mais il y avait toujours ce sentiment d’imposture et de ne pas être légitime à faire ce que je faisais, que ma formation n’était pas suffisante. En parlant avec une collègue psychiatre, elle m’a confié que les professionnels qui doutent, appréhendent et se remettent en question sont de meilleurs professionnels que ceux qui se croient tout puissants. J’étais rassurée qu’elle me voit plutôt dans cette catégorie de thérapeute. C’est normal de douter au début, on sort de l’université avec plein de connaissances théoriques et au final très peu pratiques. En étant diplômée ce n’est pas la fin, mais le début d’un autre apprentissage.
Aujourd’hui je me sens plus confiante lorsque j’ai un entretien, à tel point que j’accepte que des étudiants infirmiers et des externes y assistent parfois.
Mon premier entretien avec une patiente en périnatalité
L’unité dans laquelle je travaille accueille donc des grands adolescents, des jeunes adultes et des patientes souffrant d’un trouble psychiatrique dans un contexte de périnatalité. Lorsque j’ai eu mon premier entretien avec une patient en périnat’, j’étais un peu stressée. Ce n’est pas un contexte clinique avec lequel je suis familière, c’est une adulte (et je me trimballe cette pensée qu’en me voyant les patients adultes pensent que je ne pourrais pas les comprendre) et de plus elle avait émis le souhait d’un travail plutôt analytique. Je me suis présentée et tout s’est fait naturellement, la patiente avait surtout besoin de mettre des mots sur ce qu’il se passait en elle, de verbaliser à voix haute son sentiment de culpabilité… J’avais encore une fois anticipé quelque chose en me positionnant comme « n’étant pas capable » alors qu’elle était très contente de notre entretien. Ne vous fixez pas de barrières quant à la problématique, essayez et si vraiment ce n’est pas quelque chose avec lequel vous êtes à l’aise, réorienter vers quelqu’un de plus compétent sur la question.
Les émotions du psychologue
Il y a une idée qui circule un peu partout comme quoi le psychologue serait à l’épreuve des émotions de leurs patients. Comme si nous étions une espèce à part, insensible voire même de petits robots sans affects. Eh bien, je vais peut-être en choquer certains mais oui… je ressens quelque chose lorsque je suis avec un patient. Je ne suis pas un mur froid sur lequel le patient va verbaliser ce qui ne va pas. Je pratique l’écoute active, ce qui signifie que je parle durant mes entretiens, ce qui met les patients plus à l’aise, car ils se sentent entendus. Je suis également sensible à chaque histoire que j’entends. Ceux qui me connaissent savent à quel point j’ai toujours été extrêmement sensible et parfois peut être même trop empathique dans certaines situations. Ce n’est donc pas quelque chose de nouveau pour moi de ressentir toutes ces émotions lorsque j’entends les patients parler d’eux. Ce qui est nouveau et ce sur quoi j’ai dû travailler dès mes premiers stages c’est, comment utiliser cette sensibilité sans qu’elle m’envahisse ? Je ne sais pas vraiment comment cela s’est fait, j’ai été très entourée par mes tutrices qui étaient très à l’écoute et avec qui je pouvais discuter de ce que je voyais et entendais ; ce qui m’a permis de ne pas ruminer les journées de travail. Évidemment, certaines situations nous touchent plus que d’autres, car elles font écho à des situations personnelles, mais le tout est d’être au clair avec et de les retravailler en supervision ou si vous n’en avez pas, avec un super groupe de collègues à l’écoute ! Nous sommes des êtres humains et nous devons travailler avec notre sensibilité, rester soi-même, être authentique, jouer un rôle n’apportera rien de bon pour l’alliance thérapeutique.
Quelques difficultés que j’ai eues au début
Lorsqu’un patient ne parle pas ou s’exprime de façon monosyllabique (ce qui arrive assez souvent avec certains jeunes) cela me met mal à l’aise. Pourquoi ? Je me dis que mon matériel pour travailler est le discours du patient et que si je n’ai pas de matière, il est difficile pour moi d’avancer avec lui, mais j’essaye, je tente une autre approche, car parfois ils ont simplement du mal à verbaliser, parfois cela ne marche pas et le patient n’était peut-être pas prêt, ce n’était peut-être pas le bon moment pour lui. Du coup je me cale sur son rythme, les séances sont parfois plus courtes, mais on avance et c’est le principal.
J’ai eu également du mal au début concernant la durée des entretiens. Je suis restée bloquée sur le fait qu’une séance avec le psychologue c’est entre 45min et 1h. J’angoissais à l’idée de faire moins. En réalité, à l’hôpital, il n’y a pas de norme, cela dépend de la personne que vous avez en face de vous. Parfois cela dure 20 min, parfois 1h30… en fonction du besoin du patient. Une de mes patientes au début ne pouvait pas tenir plus de 20 min. Alors, nous avons commencé comme cela, puis petit à petit, elle s’est sentie plus à l’aise avec moi et de 20min nous sommes passés à 30 puis a 40 et enfin à 50 min.
Au début de sa pratique on peut être envahis par des doutes, avoir le syndrome de l’imposteur comme dans tous les métiers. Mais il ne faut pas s’arrêter à cela, cela va faire maintenant un peu plus d’un an que je travaille et je me sens beaucoup plus à l’aise avec le suivi de mes patients, avec les moments de silence durant les séances et durant mes groupes, avec leurs larmes ou leurs cris. C’est un autre apprentissage qui commence, peut-être plus difficile mais c’est aussi le plus intéressant.
Excellent article 😌 Le maître a échoué plus de fois que n’a essayé l’apprenti. C’est normal de ne pas réussir du premier coup. Il faut se lancer, tomber… Se relancer, tomber encore et encore pour finir par s’accrocher et y arriver 💪 La seule défaite c’est d’abandonner.
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Exactement 🙂
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Superbe cet article, en tant d’étudiante j’experimente cette sensibilité dont tu parles et comme toi je suis plutot trop empathique mais j’apprends à me limiter 😊
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Merci ! Oui et tu verras après ça sera moins difficile de prendre de la distance. On trouve le juste milieux 🙂
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Je ne suis encore qu’étudiante et je trouve que les cours à l’université ne nous préparent pas suffisamment à la réalité clinique. Il n’y a qu’à travers les stages et les formations complémentaires que l’on en apprend le plus. Article très interessant, merci pour le partage d’expérience !
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Oui effectivement et suivant les universités il y a plus ou moins d’enseignements sur les entretiens cliniques. J’ai eu la chance d’avoir des jeux de rôle pour ma part qui m’ont aidé. Mais il n’y a rien de mieux que la pratique en stage et en formation complémentaire comme tu dis. Et au début de notre vie professionnelle nous apprenons encore ! C’est un apprentissage qui ne cesse jamais vraiment 🙂
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C’est ce que j’apprécie dans ce parcours, il faut continuellement se former et s’informer, se remettre en question et révisionnel notre positionnement clinique, c’est très stimulant et formateur je trouve ^^
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