Mon quotidien

Mon syndrome de l’imposteur : Le retour

Je vous avais déjà parlé de mon syndrome de l’imposteur au tout début de ma prise de poste. Comme beaucoup d’autres, j’ai mis un temps avant de me sentir légitime, compétente et à ma place en tant que psychologue.

Aujourd’hui, grâce au travail que je réalise sur moi et au temps qui passe, j’arrive à certains moments à me dire que je suis compétente, que je fais du bon travail. Il m’arrive encore quelques fois de douter et de me poser 36 questions après une prise en charge. Mais ce n’est plus aussi anxiogène qu’avant et dans notre métier il est normal de douter et de se poser tout un tas de questions. Il m’arrive encore de m’évaluer après quelques entretiens difficiles. Quand j’en parle à des ami.es psychologues, on me rappelle toujours le contexte : je travaille en psychiatrie et ce que je fais est loin d’être simple. Parfois cela suffit et lorsqu’il y a des jours sans, je peux me dire encore que « j’ai eu de la chance » ou que « je n’étais pas toute seule ».

Mais globalement, j’avais réussi à dompter ce syndrome de l’imposteur, à vivre avec, sans que cela soit envahissant, douloureux et anxiogène. Jusqu’à temps que je me replonge dans une recherche d’emploi pour changer de poste sur un de mes mi-temps.

Le piège des fiches de poste

J’ai mis un moment avant de réussir à ne serait-ce qu’à envoyer une candidature. Mes amis m’en partageaient plusieurs, car ils savaient que je souhaitais passer à autre chose concernant la recherche ; mais je ne postulais pas, car je ne me sentais pas compétente pour le poste… de nouveau.

En regardant les fiches de poste, je cochais dans ma tête «  ça je sais faire, ça je ne connais pas, ça je ne sais pas » et rapidement cela prenait toute la place et je ne postulais pas. La conclusion que je me faisais était que je n’avais pas le profil ou qu’il y avait bien trop de choses que je ne connaissais pas. J’avais également peur qu’en envoyant ma candidature ; c’était fini, je devais forcément accepter, car on me faisait une « fleur » de me recevoir en entretien. Je pense que j’avais également peur d’être de nouveau confronté au fait de ne pas avoir de réponse… lorsqu’on a 4 ans d’expérience, c’est aussi difficile à digérer.

J’ai eu plein conseils de plusieurs personnes que je remercie aujourd’hui :

« Tu as le droit de dire non si ça ne te plait pas » ; « Tu as de l’expérience en psychiatrie ce n’est pas rien » ; « postule et prends l’entretien comme un entraînement » ; « Tu seras beaucoup plus épanouie si tu te lances ». « A l’AP-HP nous avons un bon CV » « Avec ton expérience tu es en position de force ».

J’ai mis un temps avant d’intégrer tous ces conseils et aujourd’hui je suis contente de les avoir écouté.

Le piège avec les fiches de poste c’est de faire comme moi : cocher ce qu’on sait et ne sait pas faire dans les « compétences et missions attendues ». Les personnes qui font les fiches de poste en mettent un maximum pour avoir un profil qui colle à la perfection à ce qu’ils recherchent. Ce qui peut donner parfois ces fiches de postes folkloriques qui demandent d’être tout à la fois et qui nous laisse le sentiment de ne pas être à la hauteur. Je ne vous apprends rien : la perfection n’existe pas. Alors, lorsque vous hésitez à postuler pour une offre, écoutez-vous. Si le poste vous parle et que vous sentez que c’est quelque chose qui pourrait vous plaire : foncez. Votre profil peut les intéresser, laissez leur une chance de vous connaître. Et si ça ne vous plait pas une fois l’entretien passé, vous avez le droit de dire non. On ne vous fait pas une fleur en vous convoquant, si on vous propose un entretien c’est que vous avez les compétences.

Qui ne tente rien n’a rien

Après avoir bien intégrer ces précieux conseils que l’on m’avait donné. J’ai commencé à envoyer des candidature à des offres que je voyais passer. Je cherchais à travailler auprès d’enfants ou d’adolescents, j’avais peur que mon expérience en psychiatrie adulte me freine et je me suis rappeler ma collègue qui est passé des soins palliatifs adulte à la néonatalogie ou à une autre collègue embauchée sans expérience en psychiatrie, dans mon service. Et je me suis dit que tout était possible. Alors que je me suis lancé.

Après une candidature en pédiatrie, j’ai reçu une réponse le lendemain pour un premier entretien téléphonique. J’ai été très surprise de recevoir une réponse aussi vite. Finalement, le poste ne me convenait pas et j’ai su dire non au lieu de me forcer à avoir une organisation qui n’était pas du tout confortable.

Ce schéma s’est répété deux fois avant l’offre que j’attendais. Un mi-temps dans un CMP enfant et adolescents. Un poste surtout en lien avec les adolescents. Le job de rêve pour moi. J’ai postulé et sans mentir… 2h après avoir envoyé ma candidature, je recevais un appel de la responsable du CMP. J’avais un entretien de prévu la semaine d’après. Le poste cochait tout ce que je souhaitais. Ils avaient reçu quelqu’un avant à qui ils pensaient dire oui avant de recevoir ma candidature. Cela me fait toujours aussi bizarre d’être autant voulu et qu’on réorganise les choses pour mon arrivée.

Aujourd’hui cette expérience m’a aidée à comprendre que j’étais compétente, que j’ai un bon CV et de l’expérience qui peut être appréciée ailleurs. Ce changement est effrayant, car je quitte quelque chose que j’ai toujours connu, mais je sais que je me sentirais davantage à ma place là où je vais.

Je prends mes fonctions sur ce poste prochainement ! Je suis à la fois impatiente et stressée.

Avez-vous déjà été confronté à ce genre d’expérience ? Dans n’importe quel domaine ? Racontez-nous en commentaire.

11 réflexions au sujet de “Mon syndrome de l’imposteur : Le retour”

  1. Oui en effet c’est très compliqué de sentir légitime pour postuler à certaines fiches de postes. Dans l’informatique c’est la même chose. Ils demandent une liste de compétences invraisemblables pour des postes débutants parfois. Ce que j’ai appris c’est qu’en tant que femmes on a parfois plus d’hésitations à postuler car on voudrait cocher toutes les cases. Tandis que les hommes (de manière générale, il y en a probablement qui ne sont pas dans ce cas) oseraient postuler même s’ils n’ont que quelques unes des expériences demandées. Et le temps passe et on voit quand on est dans une entreprise qu’on aurait pu se permettre de postuler vu le profil retenu qui n’a pas plus d’expérience que nous.

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    1. Bonjour,
      Oui merci pour votre retour ! c’est également ce que l’on m’a dit.3 Les femmes auraient plus tendance à douter de leur compétences. Je vous remercie pour votre retour, cela nous prouve un fois de plus que cela peut arriver dans n’importe quel domaine !

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  2. bonjour,

    Avant toute chose, merci beaucoup pour vos articles que je lis avec intérêt depuis quelques mois. Je vis quelque chose d’assez similaire en ce moment et vous n’imaginez pas combien vos conseils me font du bien. Je ne suis pas psychologue, mais je me suis spécialisée dans les modes amiables de résolution des conflits (commissions vérité et réconciliation, médiation, justice restaurative et autres groupes de paroles). Je consacre donc mes longues périodes d’inactivité à étudier divers sujets, et en particulier la psychologie et les neurosciences. Malgré deux masters et un apprentissage assez approfondi des techniques de négociation et d’écoute active, j’ai beaucoup de mal à avoir une expérience pratique dans ce domaine, au sein d’associations d’aide aux victimes ou comme consultante juriste pour des prisons par exemple. Depuis la fin de mes études il y a six ans, j’ai effectué deux stages et un service civique. On m’a recrutée pour effectuer des recherches et rédiger des notes d’actualité concernant des sujets sociaux qui m’ont beaucoup intéressée (déontologie des fonctionnaires, justice post-conflits, travail des personnes handicapées…). J’ai même contribué à lancer un projet d’éducation au développement durable au sein des centres éducatifs fermés et des prisons. Pourtant, je rêve d’exercer un métier plus durable bien sûr, mais surtout, un métier où le contact humain joue un rôle important. Mais je me demande toujours si je suis à la hauteur pour venir en aide à des personnes en souffrance et j’ai un besoin continuel de me rassurer dans ce domaine. À ma propre crainte s’ajoute mon handicap que je ne peux pas cacher et qui suscite quelques inquiétudes légitimes chez les recruteurs éventuels (je suis aveugle de naissance). Je fais comme vous, je postule à toutes les offres qui sont en accord avec mes valeurs et qui requièrent le plus possible de compétences que je crois avoir. Si vraiment j’y tiens, je ne me bloque pas sur une ou deux choses que je ne sais pas faire. J’ajouterai d’ailleurs que certains recruteurs peuvent être interpelés par un profil qui n’est pas tout à fait celui qu’ils annoncent dans la fiche de poste, un peu de souplesse ne fait pas de mal. Depuis quelques semaines, je me tourne vers les offres de chargé de relations clients. Dernièrement, je suis tombée sur une pépite: un poste dans lequel je pouvais mettre à l’épreuve mon sens de l’écoute tout en renforçant mes compétences juridiques. J’attends encore de savoir s’ils vont donner suite à ma candidature, mais j’ai été extrêmement touchée par l’accueil et l’ouverture des deux personnes qui m’ont accordé un entretien. Elles m’ont témoigné énormément d’intérêt et de sympathie et j’ai vraiment eu l’impression que mon profil et mon caractère leur convenaient. Nous avons parlé de leur entreprise, de mes atouts et des défis qu’il me fallait encore mener à bien. Surtout, si j’ai évoqué mon handicap pour des questions liées à la technologie dont je pouvais disposer, il était loin d’être au coeur de nos échanges. C’est vraiment un plaisir de parler avec des gens curieux par ce que vous pouvez apporter et soucieux de vous accompagner au mieux. Je croise les doigts et me permets de vous souhaiter bonne chance et plein de courage à vous aussi!

    Bien à vous,

    Sophie-Victoire Trouiller

    Autrice, La paix, toute une histoire, la réconciliation par le storytelling, éd. Renaissens, 2018

    http://www.renaissens-editions.fr/2018/09/19/la-paix-toute-une-histoire/

    Comédienne par vocation, https://www.youtube.com/channel/UCL3jAvoZrdvUg925WVBrJig

    0615910871

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    1. Bonjour,
      Je vous remercie pour votre retour et votre témoignage ! Il apportera beaucoup de réconfort à toutes personnes qui le lira et qui pourrait se retrouver dan vos mots. Merci pour votre confiance ! Je vous souhaite également bonne chance pour ce poste qui vous anime ! 🙂

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  3. Bonjour, ce syndrome est venu chez moi petit à petit car le monde du travail étant ce qu’il est, (stressant assez souvent, maltraitant parfois), j’ai commencé à me poser des questions sur mon travail et sur moi tout simplement face à des gens qui n’avaient ni mes compétences, ni une attitude bienveillante. Il y a tellement de jeux de pouvoir: celui qui se fera le mieux voir aura tout ce qu’Il veut, c’est simple mais c’est la triste et pitoyable réalité. Alors imagine, moi, psychologue et d’une neutralité qui agace, d’une naïveté où s’engouffrent les malveillants, j’en étais arrivée à « disparaitre« , à vouloir être transparente pour ne pas être encore blessée encore et encore. Malgré la souffrance au quotidien, j’ai une joie en moi océanique qui me permet de survivre à toutes les médisances, les violences (voiture cassée, attaques personnelles gratuites sans fondement sur mon travail, mes évaluations individuelles bâclées…). Je reste fidèle à moi même car je suis une combattante et je reprends confiance en moi grâce aux retours de mes résidents, des familles, des gens de l’extérieur à mon travail. Je pense que la violence au travail est subit par bcp. Je fais le constat que je suis restée 9 années à essayer de travailler avec des gens qui n’ont pas la motivation ni l’envie ni les connaissances parfois du milieu gérontologique. Je suis finalement fière de moi. A 50 ans, je vois bien qu’on me pousse vers l’extérieur car les jeunes ont des formations que je n’ai pas eues la chance d’avoir à mon époque mais j’ai l’expérience et une immense volonté. Ce syndrome est une ombre derrière moi, je la traîne comme un boulet, je l’accepte. Il y a des périodes où je suis plus vulnérable mais je suis là et je ne lâcherai rien. Portez vous bien, tous.

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