Pathologies et soins

Le(s) trouble(s) bipolaire(s)

Le(s) trouble(s) bipolaire(s) (anciennement : psychose maniaco-depressive) est un trouble de l’humeur dans lequel, la personne qui en souffre va alterner au cours de sa vie des épisodes de manie ou hypomanie et des épisodes dépressifs. On estime en France qu’il y a entre 1% et 2.5% de personnes qui souffrent de troubles bipolaires (Source : HAS, 2014), ces chiffres étant probablement sous-évalués étant donné le retard diagnostic qui existe pour cette pathologie, qui peut aller jusqu’à 10 ans ! Quelqu’un qui souffre de troubles bipolaires ne change pas d’humeur toutes les 10 minutes, c’est une fausse croyance ; il existe des cycles rapides qui peuvent atteindre plus de 4 épisodes par an (Source : TL Ngô, 2015). Attention à ne pas faire l’amalgame entre une personne dite « lunatique » et une personne souffrant de troubles bipolaires. Une personne qui souffre de trouble bipolaire passe par plusieurs épisodes différents, voici ceux que nous pouvons observer :

La manie : C’est un état d’euphorie très intense où le patient peut avoir l’impression d’être tout puissant, rien ne l’arrête. Dans ces phases de manie, le patient dort très peu et est très actif dans ce qu’il entreprend. Il peut avoir des tas de projets qui lui viennent en tête (un de mes patients voulait créer une start-up en informatique, il avait 17 ans et aucune formation en informatique) d’autres patients adultes, que j’ai pu voir durant mes stages, avaient des projets de livres qu’ils accomplissaient en quelques jours seulement. Il peut y avoir des achats compulsifs qui peuvent atteindre des sommes astronomiques.  Au niveau des pensées, tout va très vite, cela se ressent au niveau du débit verbal qui est très accéléré (ce qu’on appelle la logorrhée) et du fait que les patients peuvent faire ce que l’on appelle des « coq à l’âne » : passer d’un sujet à un autre très rapidement. La manie peut également s’exprimer par de l’irritabilité, mais aussi par des symptômes psychotiques chez 50% des patients bipolaires (Source : Jean-Pierre Guichard – Vivre et comprendre le trouble bipolaire) ; cependant à l’inverse des symptômes psychotiques de la schizophrénie, ceux du trouble bipolaire sont transitoires. Il peut y avoir également beaucoup de conduites à risque, notamment sur la prise de substance ou des conduites à risque sexuelles. La personne étant complètement désinhibée, c’est difficile pour elle de se poser des limites. En phase maniaque, le patient se sent plutôt bien et peut ne pas consulter, ce qui peut engendrer des erreurs diagnostiques ou des retards diagnostics. En effet, les patients qui souffrent de trouble bipolaire vont avoir tendance à venir consulter lors des épisodes dépressifs.

L’hypomanie : C’est une manie atténuée, elle peut se remarquer par un débit verbal qui comment déjà à être rapide, les idées qui commencent à fuser dans la tête. Il peut y avoir une levée des inhibitions, si le patient est de tempérament timide, il trouvera plus de facilité à aller vers les autres et communiquer. Dans ces phases d’hypomanie le patient peut avoir conscience d’aller trop vite. Dans ces cas-là avec le médecin psychiatre qui le suit, ils peuvent prévenir un potentiel épisode maniaque en réajustant le traitement. En phase hypomaniaque, les patients peuvent être très ludiques, faire des jeux de mots et des blagues tout le temps (Un de mes patients m’avait dit « mon médicament c’est I believed I can fly » pour Abilify).

La dépression : Dans cet épisode nous retrouvons tous les symptômes d’un épisode dépressif caractérisé. Il peut y avoir également des sentiments de nostalgie par rapport aux phases maniaques où les patients sont très actifs.

Les épisodes mixtes : ce sont des épisodes où nous retrouvons des éléments de manie et de dépression qui cohabitent dans la journée et sur plusieurs jours. Ces états sont les plus à risque pour un passage à l’acte suicidaire. On estime d’ailleurs à 20% le taux de mortalité par suicide chez les patients souffrant de bipolarité (Source : troubles-bipolaires.com).

Il y a également des périodes où l’humeur est plus ou moins neutre (l’humeur lisse et parfaite n’existe pas) c’est ce que l’on appelle l’euthymie.

Il existe plusieurs types de troubles bipolaires :

  • Le type I : manie/dépression,
  • Le type II : hypomanie/dépression.
  • Le type III fait référence à des épisodes maniaques ou hypomaniaques induits par un antidépresseur (qui, pris sans seul, peut provoquer un virage de l’humeur).

Il existe plusieurs comorbidités (troubles associés) au trouble bipolaire, notamment la consommation d’alcool et de drogue. J’avais un patient qui consommait alcool et cocaïne. Le trouble bipolaire est du coup très souvent masqué par ces consommations, ce qui participe également au retard diagnostic. Histoire de rajouter du flou entre le diagnostic de bipolarité et de schizophrénie, il arrive que certains patients aient une participation thymique dans un diagnostic de schizophrénie. De même on peut retrouver dans une période euthymique du trouble bipolaire des symptômes négatifs qui appartiennent à la schizophrénie. Ce trouble a un nom : le trouble schizoaffectif.

Le traitement

Comme tout trouble psychiatrique, l’association traitement + psychothérapie est fortement recommandée. En ce qui concerne les traitements (sans rentrer dans le détail, car ce n’est pas mon domaine), il s’agit de thymorégulateurs qui vont venir réguler l’humeur (exemple : le lithium). Pour ce qui est du traitement psychothérapeutique, en fonction du besoin du patient plusieurs types de thérapies existent : La psychothérapie analytique, les thérapies comportementales et cognitives, Mindfulness etc…

Les patients peuvent également faire de l’éducation thérapeutique ou de la psychoéducation ; cela leur permet de mieux comprendre comment fonctionne la maladie, ce qui peut provoquer un épisode maniaque ou dépressif, la vulnérabilité au stress etc… Le but étant de faire du patient un expert dans son propre trouble, afin qu’il puisse prévenir les rechutes, identifier ses émotions et avoir une bonne conscience du trouble (Insight). J’ai réalisé mon premier mémoire sur la conscience du trouble chez les personnes qui souffrent de troubles bipolaires et qui font un programme de psychoéducation. Les résultats : Oui la psychoéducation est efficace pour avoir conscience de sa maladie, une bonne connaissance du trouble et une meilleure observance au traitement mais malheureusement l’Insight a aussi sa part d’ombre. Chez certains patients, avoir conscience de sa maladie et ce qu’elle apporte en termes de traitement et de stigmatisation, peut favoriser l’apparition d’affects dépressifs.

Comme beaucoup d’autres pathologies psychiatriques, le trouble bipolaire est énormément stigmatisé encore aujourd’hui, n’oubliez pas que ce sont les personnes concernées qui en souffrent le plus, attention aux mots que vous employez et aux images que vous véhiculez.

Références :

  • Vivre et comprendre le trouble bipolaire de Jean-Pierre Guichard
  • 100 questions/réponses sur le trouble bipolaire de Louis Blindler et Olivier Andlauer
  • Vivre avec des hauts et des bas de Christian Gay
  • Mieux vivre avec un trouble bipolaire, comment le reconnaitre et le traiter de Christine Mirabel-Sarron
  • De l’exaltation à la dépression de Kay Jamison (Psychiatre qui souffre elle-même de trouble bipolaire, experte dans son propre trouble).
  • Faire face au trouble bipolaire – Guide à l’usage du patient et de ses aidants de Jean-Pierre Guichard et Angélique Excoffier (Pas très objective car il s’agit d’une de mes tutrices qui m’a beaucoup appris sur le trouble bipolaire).
  • Les troubles bipolaires : De la cyclothymie au syndrome maniaco-dépressif: Dépistage du trouble – Prises en charge éducatives et psychothérapeutiques – Prévention des rechutes de Christine Mirabel-Sarron et Isabelle Leygnac-Solignac.
  • Argos 2001 : Association d’aide et de soutien pour patients bipolaires
  • https://www.troubles-bipolaires.com/
  • https://www.lebipolaire.com/forumpourbipotes/ (Forum d’entraide de patients souffrant de bipolarité).

6 réflexions au sujet de “Le(s) trouble(s) bipolaire(s)”

  1. C’est quoi ces « symptômes psychotiques qu’on voit chez 50% des patients » lors de la manie ?
    « il arrive que certains patients aient une participation thymique dans un diagnostic de schizophrénie et inversement que dans une période euthymique du trouble bipolaire il y ait des symptômes négatifs qui appartiennent à la schizophrénie »
    => J’ai pas compris. En gros qu’on retrouve parfois les symptômes de l’autre maladie selon la période du cycle ?

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    1. Les symptômes psychotiques cela peut être des idées délirantes, des hallucinations de tout types, une désorganisation de la pensée…

      Ce sont les signes qui nous permettent de dire si c’est une Schizophrénie, un trouble bipolaire ou un trouble schizoaffectif. Normalement en période euthymique les patients qui ont un trouble bipolaire ont une humeur dite « normale » si on s’aperçoit que durant cette période la personne présente des symptômes négatifs de la schizophrénie on peut penser que c’est trouble schizoaffectif. Et de même que si un patient est diagnostiqué schizophrène et qu’il a une fluctuation de l’humeur très importante on peut pencher également vers un trouble schizoaffectif. La limite est très flou entre ces trois diagnostics j’en convient. Moi même j’ai du m’y reprendre plusieurs fois pour mieux comprendre, demander aux patients comment ils se sentaient etc.. 🙂

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      1. Personnellement j’utilise le modèle Bio-psychosocial donc pour moi les maladies suivent toutes le même modèle : il y a des aspects biologiques et génétiques. Et des aspects psychosociaux: comment la personne a évoluée, grandi dans quel environnement, si il y a eu des évènements traumatiques etc .. 🙂

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